Concert du 6 avril 2016 à la Cathédrale Sainte-Croix des Arméniens
Claude Debussy (1862-1918)
Sonate pour violoncelle et piano(1915)
- Prologue
- Sérénade
- Finale
Franz Liszt (1811-1886)
Élégie n°2 pour violoncelle et piano, S. 197 (1877)
Thibaut REZNICEK violoncelle
Orlando BASS piano
Jean-Baptiste Barrière (1707-1747)
Sonate à deux, pour violoncelle et contrebasse (1740)
Thibaut REZNICEK violoncelle
Thierry BARBÉ contrebasse
Alfred Desenclos (1912-1971)
Aria et Rondo, contrebasse et piano (1953)
- Andante
- Presto
Thierry BARBÉ, contrebasse
Julien HANCK, piano
Henri Tomasi (1901-1971)
Concerto pour contrebasse (1970)
- Allegro moderato ma deciso
- Lento
- Allegro Giocoso
Thierry BARBÉ contrebasse
Orchestre Les Déconcertants
Pierre-Alexis TOUZEAU
Julien HANCK
Note de Programme
« Comment faire comprendre à ceux qui depuis leur naissance n’ont connu que les murs aux trous aveugles et les rues sans joie, l’attirance irrésistible de notre « Mare nostrum », et le désir obsédant d’y retourner.» Henri Tomasi
L’Allegro initial s’ouvre sur une brève cellule rythmique qui sera le motif générateur de tout ce premier mouvement. À cet appel impérieux, sans cesse renouvelé, l’orchestre et la contrebasse vont répondre en alternance, comme en antiphonie. Dans ce climat de fort contraste, la contrebasse semble se débattre, prisonnière d’une certaine tessiture, sans cesse rabattue par les éclats dissonants des violons. Malgré le chromatisme intense de ces pages, de brèves incartades d’un mélodisme insoupçonné nous ramènent dans la plus pure tradition française.
Dans le Lento, la contrebasse devient un véritable «chant sans paroles» imprégné d’une grande spiritualité. Les harmoniques de contrebasse répondent aux douces injonctions de la harpe, dans un dialogue profondément hypnotique. Le foisonnement reprend dans l’Allegro Giocoso final, qui possède une nervosité du même ordre que le premier mouvement. Cela ne s’arrête jamais, l’auditeur est pris dans un mouvement perpétuel, tandis que l’orchestre embrasse en quelques minutes un carrousel de tonalités. Ce continuum est ponctuée de prises de parole soudaines des bois et des cordes, acides et grimaçante : dans cette œuvre, chacun devient par moment soliste. Ce caractère volontairement impertinent de l’orchestre s’oppose à l’intense lyrisme de la contrebasse.
Cette rencontre entre modernité et tradition est la marque de cette écriture, qui atteint dans le Concerto pour contrebasse un point d’aboutissement inouï. Dans cette œuvre, la juxtaposition de langages différents établit un dialogue stylistique proprement fascinant.
Henri TOMASI, notes biographiques
Henri TOMASI est né à Marseille le 17 août 1901 de parents corses. C’est son père, Xavier Tomasi, flûtiste amateur, dont les recherches de folkloriste furent celles d’un pionnier, qui décida de son destin de musicien. Cet enracinement méditerranéen est le trait distinctif aussi bien de l’homme que de l’oeuvre. Boursier de la Ville de Marseille, et aidé par un bienfaiteur, l’avocat Maître Lévy-Oulman, il poursuivit ses études au Conservatoire de Paris où il fut l’élève de Charles Silver, Georges Caussade, Paul Vidal, Vincent d’Indy et Philippe Gaubert. En 1927, il obtint à la fois un Premier second Grand Prix de Rome et un Premier Prix de direction d’orchestre à l’unanimité. Il débuta aussitôt sa carrière de chef aux Concerts du Journal et dans l’une des premières stations de radio créées en France, Radio-Colonial (1931) ; en même temps il s’affirma comme compositeur avec trois poèmes symphoniques.
Il devint membre en 1932 du groupe de Musique contemporaine TRITON, dont le Comité d’honneur comptait Ravel, Roussel, Schmitt, Stravinsky, Bartok, Enesco, de Falla, Schoenberg, R. Strauss. Après avoir dirigé les plus grands ensembles français et européens, et de 1946 à 1952, il abandonna la baguette vers 1956, autant en raison d’une surdité qui assombrit toute la fin de sa vie, que pour se consacrer totalement à la composition. Le 13 janvier 1971, il mourut à Paris, qui était resté pour lui, durant toute sa carrière, une ville d’exil.
« Musicien protéiforme » selon Emile Vuillermoz, Henri TOMASI a élaboré un langage inséparable de la civilisation méditerranéenne : sensoriel, coloré, tissé d’ombres et de lumière, vibrant de chaleur mélodique, il exalte tour à tour la chair et l’esprit. Comme l’a écrit le musicologue Frédéric Ducros :
« Tomasi a su utiliser les ressources musicales de son époque en restant indépendant de tout système, et l’inspiration, cette valeur-clé reniée par les décadents, en perpétuel renouvellement, va de pair avec une richesse orchestrale qui fait de lui l’un des virtuoses de cette science après Ravel. »